dimanche 2 janvier 2011

PETITE VIE DE FRANÇOIS D'ASSISE par le PÈRE JEAN GOULET, O.F.M.


Pour débuter la nouvelle année, nous vous offrons le texte du Père Jean Goulet sur la vie de François d'Assise, fondateur des Franciscains. Que François d'Assise puisse vous inspirer tout au long de la nouvelle année !


ATTENTION: POUR REPRODUIRE CE TEXTE, VEUILLEZ NOUS DEMANDER L'AUTORISATION (voir les coordonnées au début du blogue), MERCI !



FRANÇOIS D’ASSISE

(1182-1226)


UN SAINT TRÈS ATTACHANT

Petite vie de saint François d'Assise écrite par Jean Goulet, O.F.M.

CHAPITRE UN

Il EST NÉ COMME JÉSUS



À tout pèlerin qui se trouve à Assise, en Italie, le guide indique un endroit, transformé en oratoire, pour signifier le lieu exact où naquit François. ``Cette chapelle a été l’étable du bœuf et de l’âne dans laquelle est né François…`` Cette notice, je l’ai trouvée dans une biographie de saint François [1].

Légende ou histoire vraie? Voyons ce qui va suivre. Ses premiers biographes, Thomas de Célano et saint Bonaventure n’en font pas mémoire. Cette tradition remonte au XV e siècle, soit 200 ans plus tard.

En effet, on raconte que la mère de François, Dame Pica, au terme de sa grossesse, souffrait beaucoup, sans pouvoir accoucher. Survient alors un pèlerin qui annonça que la délivrance n’aurait lieu que si la femme quitte sa chambre somptueuse et descende au premier plancher, parmi les animaux, et dépose son premier-né sur la paille, dans une des stalles.

Ainsi, à quelque douze siècles de distance, le fils de Pierre Bernardone naquit sur la paille, dans une étable, comme autrefois Jésus, fils de Marie, dans une grotte non loin de Bethléem, et couché sur la paille.





CHAPITRE DEUX


SON NOM ET SON NOUVEAU NOM



Le jour de son baptême, son père était absent. Sa mère le fit appeler Jean [2] en l’honneur de Jean l’évangéliste, l’apôtre bien-aimé de Jésus.

Or, son père, de retour d’un voyage commercial en France, préféra lui donner un nom nouveau, celui de François ou `petit français`, en reconnaissance pour la Provence où il avait conclu de bonnes affaires; en d’autres mots, à cause de son amour de la France. De plus, son épouse Pica était d’origine française, elle était née en Picardie.

Voilà pourquoi on oubliera très vite son premier nom pour ne retenir que celui de François Bernardone ou `Francesco`pour les italiens.


SES DIVERS PATRONAGES


Saint-François d’Assise est aussi renommé dans l’Église que son contemporain, saint Antoine de Padoue. On lui reconnaît divers patronages.


Patron de l’Italie :

Toute l’Italie le vénère, un vrai père dans la foi. Patron de
l’Italie, ce petit pauvre d’Assise ou `Poverello`.

Patron des architectes :

Sa mission qu’il reçut au pied du crucifix de Saint-Damien : rebâtir l’Église qui tombait en ruines. Le pape Innocent 111 reconnut en lui l’architecte de l’Église, celui qui redressera l’Église du Latran en train de s’écrouler.

Patron des louveteaux :

La légende du loup de Gubbio le fit adopter par le scoutisme, spécialement les petits loups ou louveteaux.



Patron de l’écologie :

Respectueux de tous les êtres, animés ou inanimés, chantre de toute la création, lui valut de la part du pape Jean-Paul II le patronage de la nature à protéger, l’écologie.


CHAPITRE TROIS


JEUNESSE DORÉE



Au Moyen-Âge, les enfants de famille pauvre ne fréquentaient pas l’école. François, par contre, étudia à l’école qui voisinait l’église Saint-Georges à Assise : la lecture, l’écriture et le calcul, mais aussi le latin, langue utilisée en liturgie.

Jeunesse dorée, c’est le surnom qu’a porté la jeunesse de ce temps. Comme son père était un commerçant aisé, François se permit donc certaines libertés,``comme les divertissements et les chansons, souvent tard dans la nuit avec les camarades de son âge``[3]. Ce n’était pas une vie dévergondée.

Son premier biographe ose affirmer que le jeune François ``fut élevé par ses parents dans un luxe insensé``[4] et dans la volupté. Pourquoi? Il répond à une coutume littéraire du Moyen-Âge. Mais, dans sa seconde vie de François, il ne se gêne pas pour dire : ``En grandissant, il conquit la faveur universelle grâce à un cœur d’or``[5].

Saint-Bonaventure est plus modéré dans sa présentation de François quand il avance ceci : ``il ne se laissa pas entraîner par la fougue des passions au milieu de jeunes libertins``[6].









CHAPITRE QUATRE


PETITE GUERRE ENTRE LES DEUX VILLES



En l’année 1202, une guerre se déclara entre Assise et Pérouse. Cette bourgade voisine vivait sous la protection du trône pontifical, alors que la ville d’Assise relevait de l’empereur d’Allemagne.

Une forteresse avait été construite au sommet du Sasso Rosso qui dominait la cité. Aussitôt détruite, aussitôt reconstruite avec, en plus, des remparts autour d’Assise, gouvernée par un tyran. François travailla sur ce chantier. Il s’y fit la main. Ce qui lui sera utile un jour pas très lointain. C’était en 1197-1198.

Pour se libérer de la tutelle du tyran germanique, les nobles d’Assisse se tournèrent vers la république voisine : Pérouse. Malheureusement, profitant de leur faiblesse momentanée, la fière cité pontificale leur fit la guerre.

Donc, dans sa vingtième année, François, se fit soldat pour défendre sa ville contre Pérouse. Ce ne fut pas, pour lui, une heure de gloire. Au Pont-Saint-Jean, sur le Tibre, il fut désarmé avec ses compagnons et emprisonné à proximité de Pérouse.


CHAPITRE CINQ



PRISONNIER ET POURTANT LIBRE




``Comme il était noble de manières, on le mit dans la prison des chevaliers`` [7]. La prison, en ces temps-là, n’avait rien de réjouissant. ``Il n’y a que des cachots sombres et humides; on y dort sur la paille, on y mange du pain sec``[8].


Contrairement à tous ses compagnons démoralisés, François demeure enjoué, plaisant, ne laissant paraître nulle tristesse. Comme on lui reproche son comportement, il rétorque par ces mots, dignes d’un prophète : « Ignorez-vous qu’un grand avenir m’attend?… » [9].


Au bout d’un an, en novembre 1203, la paix fut conclue entre les deux cités et François retrouva sa liberté extérieure, car intérieurement il était libre.




CHAPITRE SIX


MALADE ET DÉSOEUVRÉ



Les privations de la prison ont miné corporellement François. Il dut s’aliter et pendant de longues semaines. La maladie, en effet, est une compagne sévère [10]. Il eut tout le temps pour réfléchir à son avenir.


Puis, ses forces revenues, il s’aventura au dehors. La vallée de l’Ombrie s’étalait à ses pieds. Mais ni le chant des oiseaux, ni la beauté des fleurs, ni les allées de vignes, ni les vastes plaines encadrées par des petits boisés lui redonnèrent le goût de vivre, de rire et de chanter.


Alors, une idée longtemps gardée secrète, revint à son esprit : se faire chevalier. Quel noble et beau métier que de secourir et protéger les pèlerins, venir en aide aux mères seules et aux orphelins. C’étaient des tâches demandées à la chevalerie.


Il s’en ouvrit à son père en voyant un vrai chevalier, pauvrement vêtu, alors qu’il errait dans la campagne. Par pitié, il se départit de ses riches vêtements pour en recouvrir le chevalier qui lui apparaissait comme le Christ, pauvre extérieurement, mais si riche intérieurement.



CHAPITRE SEPT


EN ROUTE POUR LA GLOIRE




Une occasion en or se présenta dans la vie de François. Un noble chevalier d’Assise s’apprêtait à se rendre dans le Sud de l’Italie pour y rejoindre Gauthier de Brienne, un prince et un chevalier renommé qui commandait l’armée papale.

François abandonna la boutique de son père et prit la route qui lui apporterait la gloire militaire, pensait-il. Un premier arrêt à Spolète, au centre de l’Italie. Avec ses compagnons d’armes, il passa la nuit ``à la belle étoile``enveloppé de son manteau.

Avant que se pointe l’aurore, il fit un songe qui devait orienter toute sa vie. Je le décris sommairement.

Il dormait encore quand il entendit distinctement une voix mystérieuse :

``De qui peux-tu attendre le plus, du maître ou du serviteur?``
``Du maître, bien sûr, répondit François.

``Pourquoi donc courir après le serviteur au lieu de chercher le maître?``
``Seigneur, osa dire François, que voulez-vous que je fasse?``

``Retourne au pays qui t’a vu naître; là il te sera dit ce que tu dois faire``.

À son réveil, François rebroussa chemin et rentra à Assise[11]. C’était fini pour lui la carrière militaire. Au Seigneur de lui indiquer la voie à suivre, sa sainte et puissante volonté.



CHAPITRE HUIT

RETOUR À ASSISE



On peut imaginer qu’il revint tout penaud à la maison paternelle. Mais non. Obéissant comme pas un, François suivit l’invitation pressante de la voix entendue, attentif à tous les signes qui se manifesteraient.


Son père, d’abord furieux et déçu de le voir revenir si tôt, l’obligea à travailler à sa boutique de tissus et à servir la clientèle.


Par amitié pour les jeunes nobles d’Assise, il organisa une dernière fête. Mais la joie n’y était plus.


Chaque fois qu’il le pouvait, François s’éloignait de la ville et errait dans la campagne. La compagnie des pauvres lui rendait sa joie, par amour pour le Seigneur Jésus qui s’était identifié à chacun d’eux (Mt 25, 31-46). En effet, dit saint Paul, ``de riche qu’il était, Il choisit la pauvreté pour nous enrichir de sa pauvreté``[12].


La rencontre inopinée d’un lépreux, en pleine campagne, fut un point tournant de sa vie. Quand il l’aperçut au loin, il s’avança à sa rencontre, descendit de son cheval et, n’écoutant que sa bonté naturelle, surmontant son dégoût, il lui donna l’accolade, joue contre joue (certains auteurs parlent du baiser au lépreux)[13], et lui offrit quelques pièces sonnantes. Après quoi, François remonta sur son cheval et revint à son point d’ancrage : Assise. En lui-même, il se disait : ``Ce qui jusqu’alors t’était odieux, c’est cela qui pour toi doit se changer désormais en joie et en douceur``[14].



CHAPITRE NEUF


PREMIÈRE MISSION




Un jour sa promenade l’emmena à proximité d’une chapelle en ruine, dédiée à saint Damien. Il y rentra et s’approcha de l’immense croix de bois qui pendait au fond du chœur avec dessus, une peinture du célèbre crucifié.


Il se mit à genoux, ne pouvant retenir ses larmes à la vue de Jésus souffrant pour le salut du monde. Soudain, la tête du crucifié se redressa et François, tout étonné, entendit ces paroles : ``Va, François et répare ma maison qui, tu le vois, tombe en ruines``.[15] Puis, à nouveau, ce fut le silence.


Jetant un regard autour de lui, François constata l’état des lieux. Des ouvertures partout, près des fenêtres et même dans la toiture. Sans perdre une minute, il se releva. Sa décision était prise : il se devait de réparer et reconstruire la chapelle de ses propres mains. Telle était la mission, la première à lui être confiée.


Il courut vers Assise et tendit la main, haussa la voix et quêta le nécessaire à la reconstruction : des pierres, du bois, de la chaux…Beaucoup de refus. Sans se décourager, il osa dire : ``Qui me donnera une pierre, aura une récompense au ciel; deux pierres, deux récompenses…`` Tous se moquaient de lui. On le croyait devenu fou. Mais lui, poursuivait sa route.



CHAPITRE DIX


À LA FOIRE DE FOLIGNO



Comme les gens d’Assise restaient insensibles à son projet : réparer la petite église qui tombe en ruine, celle de Saint-Damien, François s’empara de beaux tissus à la boutique de son père, en fit des ballots qu’il attacha à sa monture. Sans plus tarder, il se dirigea vers Foligno où la foire battait son plein.


Il vendit tout, même l’attelage et, tout joyeux, regagna Assise. Il offrit la bourse pleine d’argent au vieux prêtre qui était attaché au culte de Saint-Damien [16]. Devant son refus, il laissa la bourse sur le rebord d’une fenêtre.


Quand son père, de retour chez-lui, apprit la nouvelle concernant son fils, il le fit rechercher et l’enferma dans sa cave, les chaînes aux pieds.


Sa mère qui réprouvait la dureté de son mari tenta de ramener François à son ancienne manière de vivre. N’y arrivant pas à le convaincre et, par pitié, brisa ses chaînes et lui rendit sa liberté [17].



CHAPITRE ONZE


DESHÉRITÉ ET RÉHABILITÉ



Pierre Bernardone ne voulait plus rien savoir de son fils François. Il désirait l’argent que son fils avait obtenu à la foire de Foligno et n’espérait rien de bon de ce fils dont le comportement le surprenait au plus haut point. Il le fit chercher et l’amena devant l’évêque du lieu, Monseigneur Guido, pour le déshériter.


Un vrai coup de théâtre s’en suivit. François, à la vue de tous, se dépouilla, jetant aux pieds de son paternel : vêtements et sous-vêtements. Puis nu, prononça à haute voix ces mots : ``Jusqu’ici, je t’ai appelé père sur la terre; désormais je puis dire avec assurance `Notre Père qui es aux cieux`, puisque c’est à Lui que j’ai confié mon trésor et donné ma foi`` [18].


L’évêque qui connaissait bien François et l’avait souvent rencontrer approuva sa décision de se donner corps et âme au service de Dieu, son véritable Père désormais. Alors, il attira le jeune homme dans ses bras, le couvrit de son manteau. François fut revêtu d’un pauvre manteau de bure, de laine grossière. Cette attention envers François de la part de l’évêque d’Assise était une sorte de réhabilitation, une reconnaissance secrète de la vocation nouvelle de François. ``Jusqu’à sa mort, l’évêque demeura son protecteur le plus sûr`` [19].



CHAPITRE DOUZE


AU TRAVAIL


L’approbation suivie de la bénédiction de son évêque remua quelque peu les nombreux témoins de la scène. La population d’Assise regarda François d’un autre œil. C’était vraiment un fils du ciel, un homme de Dieu que ce fils de riche récemment convertit.

François se remit à son ouvrage, à la reconstruction de la chapelle dédiée à Saint-Damien et bien délabrée. Il lui fallait des pierres et du mortier et des lattes de bois. Or, il n’avait pas d’argent. Il se fit troubadour, chantant des airs connus sur les places publiques.

Pour ce tenir en forme, il lui fallait se nourrir. Il s’offrit pour aider à la léprosie, ou bien, quand il arrêtait de réparer la chapelle, alors, il passait de maison en maison pour quêter sa pitance journalière.

La réparation de Saint-Damien achevée (entre temps, de jeunes ouvriers l’avaient secondés bénévolement dans sa tâche), il s’attaqua à la restauration de Saint-Pierre, une autre chapelle assez loin de la ville mais dont la dévotion au Prince des apôtres était bien proche de son cœur. Un troisième lieu attendait sa visite : la Portioncule, un sanctuaire à la bienheureuse Vierge Marie. Il était désert et laissé à l’abandon, sans entretien. Son amour pour Marie, Dame du monde, qu’il changea en Sainte Marie-des-Anges s’explique ``puisqu’il bénéficia fréquemment de la visite des anges`` [20].



CHAPITRE TREIZE


UNE PREMIÈRE RÈGLE DE VIE



Contrairement à Jésus, François n’a pas choisi ses premiers disciples. Ils sont venus à lui en le regardant vivre. Il y eut, au tout début, alors qu’il restaurait la chapelle de Saint-Damien, un certain Bernard de Quintavalle. Il était riche. Puis un autre, appelé Pierre de Catane.

François, inspiré par l’Esprit-Saint, leur dit : ``De me suivre, sans le sou, et pourtant joyeux, c’est une grave décision. Allons consulter le livre des Évangiles``. L’église Saint-Nicolas n’était pas loin. Ils y entrèrent tous les trois. Ils s’approchèrent du lutrin et, tour à tour, ouvrirent le livre saint et lirent à haute voix le passage qu’ils avaient sous les yeux.

D’abord Bernard : ``Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu possèdes, donne-en le prix aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel``. Ensuite, Pierre : ``Que celui qui veut venir à ma suite, dit Jésus, qu’il me préfère à son père, sa mère et toute sa parenté; qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Alors, il sera mon disciple``. Finalement, ce fut François : ``Qui veut sauver sa vie, la perdra, mais celui qui perd sa vie, à la face des gens, à cause de moi, la trouvera. Il sera avec moi pour toujours``.

Tout heureux, comme s’ils avaient gagné le gros lot, ils sortirent de la petite église. Quel bonheur pour eux. Une nouvelle règle de vie s’ouvrait devant eux. Ils passèrent le reste de la journée à échanger sur ces paroles de vie et même à les retenir et à les prier.



CHAPITRE QUATORZE


EN ROUTE POUR ROME



En peu de temps, de trois qu’ils étaient, ils passèrent à douze. L’évangile était leur nouvelle règle de vie. Chacun apportait sa couleur, son amour de l’Évangile, de telle sorte qu’ils pouvaient fournir à François une douzaine de morceaux choisis, extraits de l’Évangile.

Après avoir beaucoup médité et prié, François les invita à le suivre jusqu’en Italie, à Rome même, pour y rencontrer le Seigneur Pape et obtenir de lui l’approbation de son nouveau genre de vie.

Mais, sitôt arrivés sur le parvis du Latran, avec leurs vêtements rapiécés et poussiéreux, sitôt renvoyés. On les prenait pour des sectaires, des pénitents illuminés. Pas de nouvelle règle disaient les prélats qui conseillaient le pape.

Alors, une évènement mystérieux se produisit. Au cours de la nuit le souverain pontife eut un songe. Il voyait son Église du Latran en train de s’effondrer et, par miracle, un petit homme en bure grise s’appuyer sur l’un des murs et de ses deux mains arrêter l’écroulement.

Tôt le matin, il envoya des gens rechercher François et ses compagnons. Il voyait en lui et sa petite troupe, un signe du ciel pour restaurer l’Église qui menaçait ruines.

François comparut devant le Pape Innocent III; il exposa le motif de sa démarche : faire approuver son genre de vie, calqué sur l’Évangile. La réponse du Seigneur Pape le réjouit. Verbalement, il approuva son projet évangélique et permit à lui et à ses frères de s’adresser au peuple de Dieu et lui annoncer la Bonne Nouvelle : ``Touchez le cœur des gens, ramenez à l’Église les fidèles qui s’en sont éloignés par indifférence ou tiédeur``.



CHAPITRE QUINZE


SA PREMIÈRE RECRUE FÉMININE



La première et la plus célèbre recrue féminine fut Claire d’Assise (1194-1253). En effet, Claire Offreduccio [21]était la fille d’une noble famille d’Assise. Un jour qu’elle se trouvait à l’église Saint-Georges, elle vit et entendit François prêcher. Elle s’éprit d’amour pour ce Jésus que François décrivait dans un langage simple et pourtant brûlant et convaincant.

Elle réussit à le rencontrer et lui confier son secret : se donner à Dieu, mais dans la famille franciscaine qui débutait.

Quand elle eut atteint ses 18 ans, c’était en 1212, elle se présenta en pleine nuit à la Portioncule où se tenait François et ses frères. En ce dimanche des Rameaux, elle avait quitté sa somptueuse demeure et fut reçue par François qui lui coupa les cheveux et lui offrit une grossière tunique de bure, et la couvrit d’un simple voile. Elle fut conduite dans un couvent de bénédictines en attendant que s’ajoutent d’autres jeunes filles ou dames dont sa propre sœur Catherine. François leur céda le couvent de Saint-Damien.

La famille s’opposa fermement à son projet. Mais Claire leur montra sa tête rasée, signe du don de toute sa personne au service du Seigneur, dans la prière et le souci des pauvres.

Pendant quarante ans Claire se dévoua comme abbesse pour ses sœurs, appelées les Pauvres Dames et plus tard les Clarisses.

Elle fut la première femme dans toute l’Église qui composa une règle de vie que le Pape Innocent 1V approuva, mais à la toute fin de sa vie. Deux ans après sa mort, elle fut canonisée.



CHAPITRE SEIZE


CHEZ LE SULTAN



Au temps où vécut François le pays de Jésus était occupé par les Sarrasins (musulmans). Afin d’y chasser les infidèles, les papes, successivement, prônaient la guerre sainte, en levant des troupes de croisés dans les pays chrétiens. IL y eut huit croisades. Au concile du Latran, en 1215, on vota pour entreprendre la cinquième croisade.

François, ce pacifique qui s’opposait à l’utilisation des armes, préférait, au nom de l’Évangile, le dialogue même avec l’ennemi. Il se décida à se rendre en Égypte et à prêcher la paix et la réconciliation, tant aux Croisés qu’aux Sarrasins. C’était en septembre 1219, à Damiette, en Égypte.

Comme il y avait trêve entre les deux camps [22], il en profita pour approcher de la ville assiégée. En peu de temps, il fut battu et traîné jusqu’au grand Sultan Melek el Kamel.

Il était prêt au martyre. Mais non, car ses paroles toutes simples mais brûlantes émurent le Sultan mais ne le convertirent pas. Il refusa tous ses présents au nom de la sainte pauvreté du Seigneur Jésus. Il obtint, cependant, un sauf-conduit pour se rendre sain et sauf jusqu’à Jérusalem.



CHAPITRE DIX-SEPT


À JERUSALEM



C’est en bateau qu’il se rendit en Terre Sainte, munit de son `firman` (sauf-conduit). Il débarqua au port de Saint-Jean-d’Acre.


On peut supposer qu’il célébra Noël à Bethléem en 1219, l’Annonciation du Seigneur à Nazareth en 1220 et passa toute la semaine sainte à Gethsémani et au Golgotha [23].

Une tradition franciscaine rappelle le geste mémorable que François posa à la vue de Jérusalem, la ville sainte, où mourut le Fils de Dieu Sauveur. François, en effet, se coucha face contre terre, les mains étendues en forme de croix. Il pleura sur les souffrances endurées par Jésus durant sa passion et sa crucifixion.

Les yeux brûlés par la réverbération du soleil sur le sable du désert de Judée, François rentra en Italie presque aveugle. Sa longue absence avait provoquée des dissensions parmi ses frères. Il lui fallait refaire l’unité et choisir un frère comme `ministre général`. Bref, être à la tête de tout l’Ordre et donc le remplacer.



CHAPITRE DIX-HUIT


LE LOUP DE GUBBIO



Histoire vraie ou légende? Les historiens ne s’entendent pas[24]. Une chose est sûre : saint François avait acquis une réputation de thaumaturge[25].

L’histoire raconte qu’un loup féroce terrorisait les habitants de Gubbio tellement qu’ils s’armaient de fourches ou de bâtons lorsqu’ils franchissaient les portes de la ville, au cas où ils le rencontreraient. On fit venir François qui alla à la rencontre du méchant loup, dans un petit bois des environs. L’ami des animaux s’adressa au loup sans le ménager. Par exemple : ``Méchant loup, j’entends dire que…``. À la fin, François lui montra plus de douceur : ``Tu as mal agi, mais c’était à cause de la faim qui te tourmentait ``. Il fit la paix avec le loup, lui présenta la main droite, dit-on, alors que le loup avançait vers François sa patte droite.

Ceci accomplit, François invita le loup à le suivre dans Gubbio et jusqu’à la place publique. Entouré par toute la population, François exhorta les gens à se convertirent. Leur conduite était mauvaise. Il les suppliait même de craindre un loup plus féroce, le démon et les peines de l’enfer. Puis, il les rassura. Le loup ne vous fera plus aucun mal, mais à la condition expresse que vous vous engagiez à le nourrir quotidiennement.

L’histoire nous dit que le vieux loup vécu encore deux ans, dans cette petite ville italienne.




CHAPITRE DIX-NEUF

UN TROISIÈME ORDRE


L’Ordre des pénitents d’Assise, fondé par saint François et approuvé par le pape Innocent III, en 1209, s’était enrichi du deuxième Ordre avec les filles venues à sainte Claire pour devenir, en 1212, l’Ordre des Pauvres Dames ou Clarisses.

Environ neuf ans plus tard, en 1221, François vit venir à lui un couple, récemment converti : Luchésio et son épouse Bonadonna de Poggi-Bonzi, en Toscane. Ils se voulaient disciples de François, suivre sa règle de vie mais sans se séparer en entrant, lui chez les frères et elle chez les sœurs.

La réponse de François à leur requête fut inspirée par Dieu. Il ne faut nullement vous séparer. Le mariage vous a unit pour la vie. Vous allez vivre selon une règle de vie que le cardinal Hugolin (le futur pape Honorius III ) a approuvé. Et ce faisant, tout en restant au milieu du monde pour vivre votre vie selon l’Évangile, vous deviendrez les premiers membres de ce troisième Ordre que je m’apprête à fonder dans l’Église. À l’exemple des frères et sœurs du Premier et du Deuxième Ordre, vous vous regrouperez en fraternités.

François les convia à une cérémonie de vêture peu de temps après, car ils étaient nombreux à désirer suivre saint François tout en restant mariés. Pour leur réunion hebdomadaire ou mensuelle, ils revêtirent un habit gris cendré avec une corde autour des reins, à l’instigation du bienheureux François[26]. Ils n’avaient pas le droit de se servir des armes ni prêter serment au podestat (maire) [27]. Faisant ainsi ils gardaient l’esprit de François qui était pour la paix.





CHACHAPITRE VINGT

NOËL À GRECCIO


Ce que je vous raconte s’est réellement passé dans la vallée de Riéti, à Greccio. Son premier Noël à Bethléem l’avait très ému. C’est pourquoi François imagina recréer son expérience en Italie, précisément à Greccio. C’était en 1223.

Il en parla à son ami Jean qui possédait un terrain rocheux et boisé. Il lui présenta son projet :``Je veux évoquer le souvenir de l’Enfant qui naquit à Bethléem…Je veux voir, de mes yeux de chair, tel qu’il était, couché dans une mangeoire et dormant sur la paille``[28].

Le 24 décembre arriva. Les frères des couvents des alentours se groupèrent près de la crèche et de l’autel, construite sur la mangeoire, de même que beaucoup de gens du pays, venus à l’invitation de François, munis de torches et de cierges. La nuit se fit aussi lumineuse que le jour.

François, en sa qualité de diacre, chanta l’Évangile d’une voix sonore. Il prêcha au peuple et trouva des mots, doux comme le miel. Parlant du Christ Jésus, il l’appelait avec tendresse : l’Enfant de Bethléem (Il Bambino). Un témoin rapporta que l’enfant couché dans la mangeoire fut tiré du sommeil et sourit à François qui s’en était approché.

Célano lui-même ajouta ce commentaire. ``L’Enfant Jésus était, de fait endormi dans l’oubli au fond de bien des cœurs ``[29].

Depuis ce temps, les chrétiens de tous les pays aiment dresser une crèche, tant dans leurs églises ou chapelles que dans leurs résidences particulières.


CHAPITRE VINGT ET UN


SON CARÊME DE LA SAINT-MICHEL


Chaque année, François s’imposait des moments de pénitence et de prière en solitaire. Bien avant les fêtes de Noël et de Pâques, il entrait en carême. En pleine été, en préparation de la fête de l’archange Saint-Michel (29 septembre), il se retirait pour prier et jeûner. Sa dévotion au mystère de la croix était intense.

Il avait reçu de messire Roland un mont très favorable à la prière, le mont Alverne, en Toscane, pour qui veut faire pénitence en un lieu écarté du monde [30]. C’était en 1224, deux ans avant sa mort.

Il se mit en route avec quelques frères. On y bâtirait des huttes tout là-haut. Mais, épuisé par tant de pénitences et de soucis, son corps le portait difficilement. On eut recours à un paysan qui lui prêta son âne pour le porter.

Passée la fête de l’Assomption, il s’éloigna de ses compagnons; le lieu qu’il choisit se trouvait au-delà d’une profonde gorge de rochers. On jeta au dessus de l’abîme un gros tronc d’arbre non raboté. Au-delà de ce pont, seul frère Léon pourrait s’approcher : ``une fois le jour, pour lui apporter du pain et de l’eau, et une fois la nuit, à l’heure de matines``[31].




CHAPITRE VINGT-DEUX


LA STIGMATISATION


La fête de la Croix glorieuse approchait (14 septembre). François se fit apporter par le frère Léon l’évangéliaire. Par trois fois, il était question de la passion du Christ. Comme François ``avait suivi le Christ dans les actes de sa vie, il devait le suivre et s’y conformer dans les douleurs de la passion``[32].

Il fit une prière au Seigneur. Il lui demanda de lui accorder deux grâces : la première,``Que je sente dans mon corps et dans mon âme cette douleur que Toi Jésus tu as enduré à l’heure de ta cruelle passion``, la seconde grâce : `` Que je sente dans mon cœur cet amour dont Toi tu as été embrasé pour nous pécheurs``[33].

Sa prière terminée, il vit, venant du Ciel, un séraphin. Il avait six ailes et montrait l’image d’un crucifié, les mains et les pieds étendus en croix. ``C’était, de tout évidence, le Seigneur Jésus``[34]. La vision disparut, lui laissant au cœur une ardeur merveilleuse, mais non sans lui imprimé en pleine chair des marques : les trous des clous dans ses mains et ses pieds. Les stigmates de la passion, en effet, c’était imprimés dans son corps. De plus, à l’endroit du coup de lance, une plaie béante d’où coulait son sang précieux.

Quand les 40 jours du carême furent expirés, Frère Léon, aidé des autres frères redescendirent dans la plaine, portant le corps meurtri de leur père stigmatisé, ``portant l’image du Crucifié, reproduite en sa propre chair``[35].



CHAPITRE VINGT-TROIS


SON CANTIQUE À TOUTE LA CRÉATION


Voyant la mort approcher, François se fit transporter à Saint-Damien à l’ombre du couvent de Claire. Depuis deux ans, on courait vers lui, car il était devenu semblable au Christ par son corps stigmatisé. Toutes les bourgades désiraient sa présence, surtout les frères des couvents disséminés dans la vallée de Riéti et de l’Ombrie. En approchant d’Assise, il la bénit et tous ses citoyens.

Le voilà étendu dans le petit jardin de Claire et là, il dicta à frère Léon un cantique à la création toute entière lui qui voyait à peine, devenu presque aveugle. Il se fit le chantre des créatures qu’il nomma son frère, sa sœur. Tous et toutes, créatures du seul et même Père, Dieu créateur.

Très-haut, tout puissant et tout bon Seigneur…
Loué sois-tu, Seigneur, avec toutes tes créatures,
particulièrement pour Messire notre frère Soleil
qui donne le jour et par qui tu nous éclaires;
qu’il est beau et rayonnant et qui, avec sa grande splendeur,
porte signification de Toi, Très-Haut.

Loué sois-tu, Seigneur pour notre sœur Eau qui est utile,
humble, précieuse et chaste.

Loué sois-tu Seigneur pour notre frère Feu qui est beau,
joyeux, fort et courageux.

Loué sois-tu Seigneur pour notre sœur la Terre, notre mère,
qui nous porte et nous nourrit, qui produit les fruits,
les fleurs et les herbes[36].



CHAPITRE VINGT-QUATRE


NU SUR LA TERRE NUE



Sa vie de pénitent avait débuté à la Portioncule. C’est là qu’elle s’acheva. Il accueillit la mort qui venait comme une sœur : ``Loué sois-tu Seigneur pour notre sœur la Mort corporelle à laquelle nul homme ne peut échapper``[37].

Déposé nu sur la terre nue, à sa demande, afin de mourir dans la plus grande pauvreté, il se fit apporter du pain qu’il bénit et rompit avant d’en donner un petit morceau à chacun des frères présents. On apporta l’Évangéliaire et lui-même choisit le texte à lire; c’était le passage en Saint-Jean qui commence par ces mots : ``La veille de la Pâques…``François voulait se remémorer la dernière Cène. ``En souvenir du Seigneur il accomplit tous ces rites``[38].

À son médecin venu à son chevet, il disait : ``N’aie pas peur de me dire que la mort est proche, car elle est pour moi la porte de la vie ``[39].

``Frère Jacqueline`` (nom que François avait donné à cette veuve romaine qui lui offrait souvent l’hospitalité) lui rendit une ultime visite. Elles lui apportait du gâteau au miel qu’il savourait autrefois. François y toucha à peine, tant il souffrait. ``En plus des cierges qui devaient brûler après son trépas, elle lui offrit une tunique de drap monastique, couleur cendre, pour son ensevelissement``[40].

François entonna le psaume 141 : ``Ma voix crie vers le Seigneur``. Quand l’âme de François quitta son corps, une bande d’alouettes volèrent au-dessus de l’endroit où trépassait le saint d’Assise.



BIBLIOGRAPHIE


- Saint François d’Assise, Documents rassemblés et présentés par Théophile Desbonnets et Damien Vorreux, OFM, Paris, Ed. Franciscaines, 1968, 1600 p.

- Les documents :


Écrits de saint François
Vie de saint François, Thomas de Célano, Vita 1,11
Vie de saint François par saint-Bonaventure, Legenda Major, Legenda Minor.
Légende de Pérouse.
Miroir de perfection
Fioretti de saintFrançois
Légende des trois compagnons
Sacrum convivium

- Saint François d’Assise par Johannes Joergensen, Librairie Perrin, traduit du danois, Paris, 1954, pp. 536

- François d’Assise par Ephrem Longpré, OFM, Ed. Beauchesne, Paris, 1966, pp. 216.

- La vie ardente de saint François d’Assise, par le P.Frédéric de Ghyvelde, OFM, Les Franciscaines Missionnaires de Marie, Québec, 1956, pp.194.

- Vie de saint François d’Assise par Omer Englebert, Paris, Ed. Albin-Michel, 1972.




[1] Johannes Joergensen, Saint-François d’Assise, Paris, Ed. Perrin, 1954, p.13.
[2] Saint-Bonaventure, `Legenda Minor`dans Documents, Paris, Ed. Franciscaines, 1968, p.725.
[3] Légende des trois compagnons, cf. Documents, o.c. p.799.
[4] Célano, Vita Prima, cf. Documents, o.c. p.213.
[5] Célano, Vita Secunda, cf. Documents, o.c. p.348.
[6] Bonaventure, Legenda Major, cf. Documents, p.587.
[7] Légende des trois compagnons, o.c. p.801.
[8] Henriette Major, Claude Lafortune, St-François d’Assise, Montréal, Ed. Fidès, 1981, p.13.
[9] Joergensen, Saint-François d’Assisse, o.c. p.27.
[10] Major et Lafortune, Saint-François d’Assisse, o.c. p.18.
[11] Joergensen, Saint-François d’Assise, o.c. p.33-34.
[12] 2 Cor, 8-9
[13] Légende des trois compagnons, o.c. p.807
[14] Joergensen, o.c. p.48.
[15] 2 Célano 6,10.
[16] Legenda Major, 2,1.
[17] Légende des trois compagnons, cf. Documents, o.c. chap. 6,18.

[18] Legenda Major, cf. Documents, p. 596 ou LM 2,4.
[19] Célano, 6,15.
[20] Legenda Major, 2,7
[21] François d’Assise par Ephrem Longpré, OFM, Paris, Ed. Beauchesne, 1966, p.21.
[22] Célano, 20,57, note 7.
[23] Joergensen, o.c. p.308.
[24] Les Fioretti de S.F., cf. Documents, chap. 21, note 1.
[25] Célano,Traité des miracles, cf. Documents, p.529 à 562.
[26] Le bienheureux Luchésio par Martial Lekeux, OFM, Bruxelles 1936, p. 48.
[27] Joergensen, o.c. p.366.
[28] Célano, Vita Prima, 30,84.
[29] Célano, ibidem.
[30] Première considération sur les stigmates, Documents, o.c. p.1329.
[31] Joergensen, o.c. p.440.
[32] Troisième considération sur les stigmates, Documents, o.c. p.1350.
[33] Idem, p.1351.
[34] Legenda Major, Documents, o.c. p.852.
[35] Idem, p.705.
[36] H. Major et C.Lafortune, François d’Assise, o.c. p.73-75.
[37] Legenda Major, Documents, o.c. p.76.
[38] 1 Célano,163, Documents, o.c. p.975.
[39] Idem, p.523.
[40] Légende de Pérouse, Documents, oc. p.975.

Aucun commentaire: