jeudi 18 juin 2009
UN TEXTE DE LOUIS CASTONGUAY SUR L'ENGAGEMENT D'ÉVÊQUES FRANCISCAINS AU PÉROU À LA CAUSE INDIGÈNE
Photo: Louis Catonguay à la recontre missionnaire spéciale (mars 2009) à Indiana au Pérou (voir son texte dans la Revue des Missions du mois de juin 2009)
Engagement d’évêques franciscains au Pérou à la cause indigène.
(par: Louis Castonguay, ptre du Vicariat S. Joseph)
Montréal, le 3 juin 2009
Des évêques franciscains sur la ligne de front de l’Amazonie péruvienne se prononcent clairement en faveur des populations indigènes devant l’invasion de compagnies de pétrole et autres… Ils le font comme pasteurs des communautés catholiques de l’Amazonie péruvienne. Ils prennent position devant la grève générale des communautés autochtones dans leur propre territoire, qui consiste surtout à paralyser le transport fluvial sur les grands fleuves de la Jungle.
Dans le groupe des huit évêques de la Jungle amazonienne du Pérou, les trois franciscains sont: Mons. Alberto Campos, OFM (mexicain) du Vicariat Saint-Joseph de l’Amazone, Mons. Gerardo Zerdín, OFM (croate) du Vicariat de San Ramón et Mons. Juan Tomás Oliver, OFM (espagnol) du Vicariat de Requena. Cela est heureux parce qu’une spiritualité franciscaine bien comprise nous fera maintenant comprendre la raison de cet engagement net et précis en faveur de gens simples par nature et par culture. Il s’agit de respect et de respect profond par rapport à l’Evangile et à l’esprit du « poverello » d’Assise en plein XXIe siècle en une terre amazonienne qui a connu une longue présence de missionnaires franciscains. Respect aussi, donc, à leur mémoire.
La région amazonienne est riche en cultures ethniques millénaires et en biodiversité. Elle est source de vie et d’espérance pour l’humanité. Aussi, disent ces évêques, « nous la considérons comme un des meilleurs cadeaux de Dieu puisque le Pérou est un des huit pays mégadiversifiés de la planète. L’Amazonie possède 31 des 114 zones de vie ou d’écosystèmes mondiaux, 95 % des forêts du pays avec un important potentiel de recours hydrique et hydroénergétique ». Cette réalité exige de tous les Péruviens et Péruviennes la grande responsabilité de « cultiver la terre et de la protéger (Gn 2), pour notre bien actuel et celui des générations futures ».
Les évêques, qui se définissent comme porte-paroles de la vie, insistent pour que, dans tout ce qui est intervention touchant les recours naturels, ne prédominent pas les intérêts de groupes qui détruisent de façon irrationnelle les sources de la vie au détriment de nations entières amazoniennes et de l’humanité elle-même (Aparecida 471).
Depuis cette perspective, ils constatent comment, au nom d’un concept de développement biaisé, l’État permet la déforestation de grandes étendues de forêts primaires en faveur d’entreprises nationales et transnationales (celles du Canada participent allègrement à cette destruction: note de l’auteur de l’article) par l’investissement dans des plantations d’huiles, de canne à sucre et autres.
Tout le monde, aujourd’hui, est au courant de la contamination des fleuves par le plomb et autres métaux lourds comme conséquence de l’activité minière (formelle et informelle) et de l’extraction de pétrole de façon irresponsable. « Nous sommes témoins, avouent ces évêques, de coupes indiscriminées de bois de toute sorte, sans aucune forme de contrôle ».
« Nous pouvons affirmer que les clameurs des populations indigènes et des rives fluviales en faveur d’un développement intégral ne sont pas entendues: l’Etat péruvien, depuis des générations, ne reconnaît pas l’usage et l’occupation de ces terres » disent-ils encore. Ils expliquent que, en pratique, on n’a pas tenu compte des droits des populations amazoniennes à être écoutées, comme l’indiquent la Constitution politique du pays et le document de la Commission d’experts pour l’application des ententes de l’OIT, publié en février de l’année 2009. Dans ce rapport, on demande fortement au Gouvernement péruvien de procéder immédiatement à l’application de mécanismes appropriés à la participation active des peuples indigènes; on l’exhorte aussi, avant l’adoption de toutes mesures qui puissent les affecter de façon directe o indirecte, à les consulter.
« L’Eglise, expliquent-ils, valorise spécialement les familles indigènes pour leur respect de la nature et leur amour de la terre-mère comme « source de pain quotidien, maison communautaire et autel du partage humain » (Aparecida 472).
Des événements comme ceux qui se vivent actuellement (avril et mai 2009) en Amazonie nous disent cette volonté de disposer de façon inhumaine et cruelle, des terres des populations riveraines et amazoniennes, parce que ces populations, dans leur propre pays, ne possèdent pas de protection légale nécessaire à la défense de leurs justes réclamations. De cette façon, on les condamne au déracinement de leurs terres, et à être soumis au « salariat » dans les cultures de canne á sucre, de la palme productrice d’huile et dans les exploitations de mines et d’hydrocarbures.
Les normes légales que l’Etat péruvien a promulgué en 2008 (spécialement deux lois et sept décrets législatifs) n’apportent rien au développement intégral des populations amazoniennes. Tout au contraire, surgissent de sérieuses menaces de misère plus grande dans la région.
Les évêques affirment catégoriquement : « Nous ne voulons pas de violence. Nous voudrions ne pas appuyer la grève actuelle (surtout de transports fluviaux)… ». Mais ils comprennent le désespoir des populations indigènes et la croyance toujours plus répandue qu’on « achète » à bon prix quelques-uns des chefs autochtones, afin de provoquer la désunion entre eux et de rendre inefficaces les justes réclamations.
Ces pasteurs savent que ce désespoir et cette désunion font que les Indigènes, dans leur besoin d’être écoutés, acceptent l’appui de quelques associations et de groupes politisés qui profitent des circonstances pour présenter d’autres demandes qu’eux, comme hommes d’Eglise, ne peuvent appuyer en aucune manière.
Le panorama social est délicat. A la demande faite au Président de la République péruvienne d’annuler les dispositifs légaux mentionnés plus haut dans le but de contribuer à la reformulation de leur contenu avec la participation des Indigènes, s’ajoute l’invitation aux populations amazoniennes et à leurs autorités de travailler à la recherche du Bien Commun. Les évêques terminent leur document en considérant nécessaire une table ronde d’authentique dialogue formée par tous les secteurs sociaux existants, afin de donner une solution pacifique et harmonieuse au conflit qui a été créé.
Ce document épiscopal, élaboré avec la participation éclairée des trois évêques franciscains nommés plus haut, s’appuie fortement sur le document latinoaméricain d’Aparecida (Brésil, juin 2007), où l’épiscopat du continent « cherche un modèle de développement alternatif, intégral et solidaire, basé sur une éthique incluant la responsabilité d’une authentique écologie humaine et naturelle, fruit de l’Evangile de la justice et de la solidarité et le destin universel des biens … » (Aparecida, 474c)… François, entres autres fondateurs de communautés religieuses, est sûrement fier de ses fils spirituels, serviteurs du peuple de Dieu amazonien, au XXIe siècle.
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